Aller au contenu

Wadi al-Hawarith

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Wadi al-Hawarith
une illustration sous licence libre serait bienvenue
Géographie
Pays
Sous-district
Superficie
7,11 km2Voir et modifier les données sur Wikidata
Altitude
25 mVoir et modifier les données sur Wikidata
Coordonnées
Démographie
Population
1 330 hab. ()Voir et modifier les données sur Wikidata
Densité
187,1 hab./km2 ()
Carte

Wadi al-Hawarith ou Wadi Harawith (وادي الحوارث) est un village de Palestine mandataire peuplé de Bédouins[3],[4],[5] qui a subi un nettoyage ethnique le 15 mars 1948[1]. Wadi al-Hawarith a pratiquement été entièrement détruit, à l’exception de quatre maisons ; la destruction de la mosquée a eu lieu en 2000[6].

En 1945, Wadi al-Hawarith avait 1330 habitants.

Le nom de Wadi al-Hawarith désigne aussi une vaste zone autour du village, particulièrement lorsqu’on évoque une vente de terres controversée de 1933, concernant 40 000 dounams (40 kilomètres carrés) ; la zone concernée est aussi appellée Wadi al-Huwarith bien que ne dépendant pas administrativement du village[7].

Géographie

[modifier | modifier le code]
Carte historique de la région de Wadi al-Hawarith vers 1870.

Wadi al-Hawarith était situé dans la partie de la plaine côtière de la Palestine appartenant au sous-district de Tulkarem, à une altitude de 25 mètres et à 16 kilomètres à l’ouest du chef-lieu, Tulkarem. Le territoire du village allait jusqu’au littoral méditerranéen[8]. La route côtière, principale artère de Palestine mandataire (entre Haïfa, Jaffa et Gaza), passait à l’est du village[8].

La superficie officielle du village, en 1945, était de 7 106 dounams (7,1 kilomètres carrés)[8] (Hadawi donne la superficie de 9812 dounams)[9], dont la propriété était répartie entre 2515 dounams (251 hectares) appartenant à des Arabes, 2795 dounams (279 hectares) appartenant à des Juifs et 1796 dounams (180 hectares) étant des terres publiques[8]. Les terres juives étaient composées de 2641 dounams non-cultivables et 154 dounams cultivables ; les terres arabes de 1555 dounams cultivables et 960 dounams incultes[8]. Ces terres étaient intégralement consacrées à la cultures de céréales[10].

Période ottomane

[modifier | modifier le code]

Le secteur était appelé Rivière Wadi Iskandaruna ; son nom a été changé en Wadi al-Hawarith quand la tribu Haritha s’y est établie à la fin du XVIe siècle et au début du XVIIe siècle. On peut retracer l’origine de la tribu Haritha depuis les Bani Sunbus, qui descendraient des Tayyi, et donc des al-Qahtaniyya, une tribu yémenites qui s’est séparée en plusieurs groupes et a migré vers le Hedjaz, l’Irak, la Palestine et la Syrie pendant les premiers temps de la conquête islamique. Les habitants de Wadi al-Hawarith étaient donc une branche des Bani Sunbus[5].

Période du mandat britannique

[modifier | modifier le code]
Carte de Wadi al-Hawarith au 1:20 000 (années 1940).
Une maison en 1930.

De 1915 à 1918, les combats de la campagne du Sinaï et de la Palestine permettent au Royaume-Uni de faire la conquête de la Palestine. La région de Wadi al-Harawith est conquise en 1918 et la région est administrée comme territoire conquis jusqu'en 1923 puis sous l'autorité d'un mandat de la Société des Nations.

Au recensement de la Palestine mandataire de 1922 conduit par les autorités britanniques, Wadi al-Hawarith a une population de 812 habitants, dont 810 musulmans et 2 chrétiens[11] (un catholique et un maronite)[12]. La population augmente au recensement de 1931 à 1112 habitants, 1077 musulmans, 30 juifs et 5 chrétiens, dans 255 maisons[13].

Jusqu’en 1929, les habitants de Wadi al-Hawarith cultivaient leurs terres en tant que locataires auprès de propriétaires absents (en), les al-Tayyans, une riche famille chrétienne de Beyrouth, membres de l’élite urbaine commerçante du Levant qui a accumulé des titres de propriété à la fin de l’empire ottoman[7]. Ces terres avaient été hypothéquées auprès d’un Français, Henry Estragin (ou Henri Estrangin), par Antun Bishara al-Tayyan. Ses treize héritiers décidèrent de vendre pour régler leur dette, et s’accordèrent en novembre 1928 avec le Fonds national juif (FNJ) pour une vente aux enchères au tribunal, qui se conclut pour un montant de 41 000 livres palestiniennes pour 30 800 dounams[14],[8] ; le FNJ paie cependant une somme de 136 000 livres égyptiennes, soit trois fois plus. Le choix de la vente au tribunal permit aux Tayyans de garder l’anonymat, et au FNJ d’éviter la concurrence des paysans de Wadi al-Hawarith[8]. Selon l’historien Weldon Matthews, cet achat est « le troisième plus important du FNJ pendant le mandat, et il donne aux Juifs une propriété dans la plaine côtière. Bien qu’une grande part des terres soient incultivables, la propriété se trouvait au cœur de la ceinture des agrumes et avait donc une grande valeur commerciale[7]. » Immédiatement, le FNJ commence des procédures d’expulsion des tenanciers des terres, les Bédouins palestiniens, qui résistèrent à leur expulsion[14] (leur nombre en 1929 est estimé à 850 par le département installation de l’Agence juive, entre 1000 et 1200 pour le Haut-commissaire britannique, et à 1500 par le chef de la tribu[5]). Entre 10 000 et 15 000 dounams étaient cultivés (1000 à 1500 hectares) et 10 000 dounams utilisés comme parcours pour le bétail[8].

Un tribunal ordonne une première fois le départ des villageois le 6 septembre 1930[8]. Les habitants refusent de partir et résistent aux efforts du gouvernement mandataire pour les amener à quitter leurs terres. Un long combat judiciaire s’ensuit, impliquant le leader nationaliste palestinien Awni Abd al-Hadi qui représente les habitants de Wadi al-Harawith[7]. Les appels et les recours sont épuisés en décembre 1932, après un verdict de la Cour suprême[8]. Les habitants s’opposent aussi à l’installation des colons ; le FNJ fait planter 43 000 plants d’arbres, les décrivant comme « des soldats défendant la mère-patrie »[8]. Le FNJ fait appel aux autorités britannique, qui font des offres aux habitants de la zone contestée : ceux-ci refusent, et s’installent dans les villages voisins. L’ordre d’expulsion est finalement prononcé le 15 juin 1933, le FNJ leur payant leur récolte de sorgho et de melons[8]. Les habitants retournent néanmoins faire les récoltes[8]. L’affaire est très suivie — l’histoire fait les gros titres tout l’été 1933 [7] — déclenchant des appels à la grève et des déclarations de protestation du parti Istiqlal (Indépendance), du parti communiste palestinien et du Parti du congrès de la jeunesse (en), entre autres[7]. L’affaire de Wadi al-Hawartith est ainsi devenue un symbole national[8]. La commission Shaw, nommée après les émeutes de 1929, note l’extrême inquiétude qui saisit le peuple palestinien dans son ensemble, ses membres craignant de subir le même sort aux mains des colons juifs[14]. En 1944/1945, ils cultivaient encore 950 dounams (95 hectares), signifiant par là leur conviction que cette terre leur appartenait, par la vertu de leur occupation longue de 350 ans. Pour eux, les droits des propriétaires absents n’allaient pas au-delà du partage des récoltes, mais pas jusqu’au droit de vendre les terres[8].

Après l’expulsion des habitants de Wadi al-Hawarith d’une partie de leurs terres, des colons sionistes installent trois colonies près de Wadi al-Hawarith : Kfar Vitkin au sud, Mikhmoret à l’ouest de Wadi al-Hawarith-Nord et Ma'abarot au sud-ouest de Wadi al-Hawarith-Sud. Aucun de ces villages n’est installé sur les terres du village[2],[5]. En 1934, Kfar Haroeh est créé sur les terres du village, ainsi que Geulei Teiman, en 1947[2]. En 1937, les colons cultivaient 22 000 dounams (2200 hectares)[8]. Certaines estimations chiffrent à 300 le nombre de villageois restés sur place, ce qui est probablement inférieur à la réalité[8].

Les statistiques de Village publiées en 1938 par le gouvernement de la Palestine recensent 2974 habitants, dont 1716 Juifs et 1258 Palestiniens (ou non-Juifs, selon la terminologie officielle)[15]. Les statistiques de Village de 1945 recensent 850 habitants à Wadi al-Hawarith-Nord et 480 à Wadi al-Hawarith-Sud, soit 1330 au total, tous musulmans[16].

Guerre de 1948 et nettoyage ethnique

[modifier | modifier le code]

Dans le plan de partage de la Palestine voté par l’assemblée générale des Nations unies le 29 novembre 1947, Wadi al-Hawarith est attribué au futur État juif. À la mi-février 1948, l’armée de sauvetage arabe donne pour instruction aux habitants du village d’évacuer les femmes et leurs biens vers la partie attribuée à l’État arabe, mais il est difficile de savoir s’ils l’ont fait[17]. Ce point est mis en doute par l’Encyclopédie interactive de la question palestinienne[8]. En mars, une embuscade de la Haganah fait trois ou quatre morts chez les Arabes, les habitants commencent à quitter le village, en soulignant que « les Juifs nous ont toujours dit que rien de mal ne pouvait nous arriver » si nous restions. Les autorités britanniques donnent aussi le conseil de partir, et fournissent une escorte militaire. Apparemment, l’évacuation a pris plusieurs semaines[17]. L’Encyclopédie interactive de la question palestinienne signale aussi une opération de guerre psychologique[8].

Début mai, les « conseillers » de la brigade Alexandroni recommandent la destruction de toutes les maisons de Wadi al-Hawarith, à l’exception des maisons de pierres « qui peuvent convenir pour l’habitation humaine » (c’est-à-dire de Juifs)[17]. Les habitants des colonies juives voisines participent à la destruction du village, rendant tout retour impossible[8].

Actuellement, une famille palestinienne, les Abou 'Isa al-Hajibi, réside encore dans ce qui était Wadi al-Hawarith-Nord. Elle y possède plus de dix maisons, au nord de (en). Seules quatre maisons de Wadi al-Hawarith-Sud subsistent, dont une occupée par une famille israélienne[8]. Le chantier collectif de restauration de la mosquée, mené par des volontaires musulmans, s’est achevé en 2000. Deux semaines après la fin du chantier, la mosquée s’est retrouvée réduite en ruines, à cause de fanatiques juifs[18].

Sur les autres projets Wikimedia :

Bibliographie complémentaire

[modifier | modifier le code]

Articles connexes

[modifier | modifier le code]

Liens externes

[modifier | modifier le code]
  1. a et b Morris, 2004, p. xviii, village #182. Also gives causes of depopulation
  2. a b c et d Khalidi, 1992, p. 565
  3. « Colonial »,
  4. Great Britain Colonial Office, « Report by His Majesty's Government in the United Kingdom of Great Britain and Northern Ireland to the Council of the League of Nations on the Administration of Palestine and Trans-Jordan for the Year »,
  5. a b c et d « Welcome To Wadi al-Hawarith - وادي الحوارث (ואדי אל-חוארת') », sur Palestine Remembered
  6. Ilan Pappé, Le Nettoyage ethnique de la Palestine, Paris : La Fabrique éditions, 2024 (2e édition en français). (ISBN 978-2-35872-280-3).
  7. a b c d e et f Matthews, Weldon C. Confronting an Empire, Constructing a Nation Arab Nationalists and Popular Politics in Mandate Palestine. Library of Middle East History ; v. 10. London ; I.B. Tauris, 2006, p. 189–190.
  8. a b c d e f g h i j k l m n o p q r s t et u « Wadi al-Hawarith — وادي الحوارث », Interactive Encyclopedia of the Palestine Question], consulté le 11 novembre 2025.
  9. Government of Palestine, Department of Statistics. Village Statistics, April, 1945., cité par Hadawi, 1970, p. 77.
  10. Government of Palestine, Department of Statistics. Village Statistics, April, 1945. Quoted in Hadawi, 1970, p. 128.
  11. Barron, 1923, Table IX, Sub-district of Tulkarem, p. 28.
  12. Barron, 1923, Table XV, p. 48.
  13. Mills, 1932, p. 55.
  14. a b et c Charles Anderson, « The British Mandate and the crisis of Palestinian landlessness, 1929–1936 », Middle Eastern Studies, vol. 54, no 2,‎ , p. 171–215 (DOI 10.1080/00263206.2017.1372427 Accès libre)
  15. « Village Statistics », Government of Palestine, Department of Statistics,
  16. Department of Statistics, 1945, p. 22.
  17. a b et c Morris, 2004, p. 129.
  18. Ilan Pappé, Le Nettoyage ethnique de la Palestine, Paris : La Fabrique éditions, 2024 (2e édition en français). (ISBN 978-2-35872-280-3), p. 271.

Bibliographie

[modifier | modifier le code]
  • Adler (Cohen), Raya, « The tenants of Wadi Hawarith: Another view of the land question in Palestine », International Journal of Middle East Studies, vol. 20, no 2,‎ , p. 197–220 (DOI 10.1017/S0020743800033936, JSTOR 162960, S2CID 163346325)
  • Palestine: Report and General Abstracts of the Census of 1922, Government of Palestine, (lire en ligne)
  • R. Michael Bracy, Printing Class: 'Isa al-'Isa, Filastin, and the Textual Construction of National Identity, 1911-1931, University Press of America, (ISBN 978-0761853770, lire en ligne) (p. 99 ff)
  • Department of Statistics, Village Statistics, April, 1945, Government of Palestine, (lire en ligne)
  • S. Hadawi, Village Statistics of 1945: A Classification of Land and Area ownership in Palestine, Palestine Liberation Organization Research Center, (lire en ligne)
  • W. Khalidi, All That Remains: The Palestinian Villages Occupied and Depopulated by Israel in 1948, Washington D.C., Institute for Palestine Studies, (ISBN 0-88728-224-5, lire en ligne)
  • Census of Palestine 1931. Population of Villages, Towns and Administrative Areas, Jerusalem, Government of Palestine, (lire en ligne)
  • B. Morris, The Birth of the Palestinian Refugee Problem Revisited, Cambridge University Press, (ISBN 978-0-521-00967-6, lire en ligne)
  • Oppenheim, M. Freiherr von, « Die Beduinen. Die Beduinenstamme in Palastina, Transjordanien, Sinai. Hedjaz », International Journal of Middle East Studies, Leipzig, vol. 2,‎ , p. 51–55